Chez les parents de Roméouche, les Dubidouche. Intérieur bourgeois arrivé. LE PÈRE (fumant un clop en robe de chambre grossière). Minouche ! Minouche ! VOIX DE LA MÈRE (off). Je suis sous la douche. LE PÈRE. Tu n’as pas vu mes babouches ? VOIX DE LA MÈRE. Elles sont dans leurs houches ! LE PÈRE (étonné). Dans leurs houches ? Il les cherche. |
Chez les parents d’Henriette, les de Bergerette. Intérieur grand style. |
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LE PÈRE (fumant un cigare). Babette… ! Babette… ! VOIX DE LA MÈRE. Je suis au water-closet. LE PÈRE. Où sont mes socquettes ? VOIX DE LA MÈRE. Sous la banquette. LE PÈRE. Sous la banquette ! (Etonné.) Sous la banquette ! |
LE PÈRE (trouvant ses pantoufles). Ça y est Minouche, je ne les voyais pas à cause du chasse-mouche. Il s’installe dans son fauteuil. |
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LE PÈRE. Je les ai Babette ! Elles étaient près du porte-allumettes. Il s’installe dans son fauteuil et lit le journal. |
LA MÈRE (sortant de sa douche en peignoir de bain ou robe de chambre). Ça va la bourche ? LE PÈRE. S’effiloche… des hauts et des bas : l’écossaise douche. |
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LA MÈRE (en robe d’intérieur). Quoi de neuf sur la planète ? LE PÈRE. Rien… ah si, Tony épouse Margaret. |
Sonnerie. Les mères vont ouvrir.
LE FACTEUR (style Arlequin). Ni démarcheur, ni quêteur, je suis le facteur qui vous apporte un peu de bonheur. (Il tend aux deux femmes du courrier.) À tout à l’heure. Il s’en va. |
LE PÈRE. Minouche ? LA MÈRE. Rien d’intéressant, une carte d’Antioche. |
LE PÈRE. Babette ! LA MÈRE. Pas grand-chose, tante Eliette qui nous parle de son diabète. |
La mère tousse. |
La mère tousse. |
LE PÈRE. Tu touches ?… C’est la coqueluche. LA MÈRE. Non, c’est mon rince-bouche. Le père frappe violemment sur la table avec sa main, puis la soulève tout doucement et regarde la table. La mère l’interroge du regard. |
LA MÈRE. Non, c’est la cigarette… Le père : jeu identique au même
instant. La mère : jeu identique au même
instant. LE PÈRE. Une bête. |
LE PÈRE. Une mouche. (Tout à coup tendre, il prend sa femme par la taille.) Tu es belle ma perruche ! LA MÈRE (minaudant). Pas touche ! Pas touche ! LE PÈRE ET LA MÈRE (se font des “mamours”). Bondouche, toutouche, sousouche… |
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LE PÈRE ET LA MÈRE (jeu identique). Mimette, ninette, poussette, rénette, mémette… |
Sonnerie. Les mères vont ouvrir.
LE FACTEUR. Ni bridgeur, ni maraudeur, je suis le facteur qui vous apporte malgré l’heure un peu de bonheur. (Il tend aux femmes du courrier.) À tout à l’heure ! |
LA MÈRE. Encore une carte
d’Antioche. Le père chatouille la mère. La mère hurle et glousse. |
LA MÈRE. C’est tante Paulette qui se trouve trop rondelette… Le père : jeu identique. La mère hurle et glousse. |
Cris. |
LE PÈRE. Ça se croit tout permis ces aristoches. Un jour je leur tirerai une cartouche. |
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LE PÈRE. Et ça y est, ça crie à tue-tête, un jour j’appuierai sur la gâchette, il aurait mieux fait de rester à Nazareth. |
LA MÈRE. Et leur sale mioche... LE PÈRE. Qu’elle est moche leur sale mioche ! LA MÈRE. À propos, il est tard, que fait Roméouche ? LE PÈRE (regardant sa montre). Il est grand temps qu’il se couche. |
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LE PÈRE. Onze heures
dix-sept ! LA MÈRE. Elle devrait être rentrée il y a belle lurette. LE PÈRE. Elle doit encore traîner avec leur fils le pickpocket ! LA MÈRE. Et sa pétrolette ! LE PÈRE. Quel intérêt ? LA MÈRE…. Ette ! LE PÈRE. Quel intérette ! excusette ! |
LE PÈRE. Si jamais il est encore avec leur mioche moche… |
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Sonnerie. |
LA MÈRE (allant ouvrir). Ah ! |
LA MÈRE (allant ouvrir). Ah ! |
Les mères ouvrent la porte. LE FACTEUR. Ni pêcheur, ni débardeur, je suis le facteur qui vous apporte malgré l’heure un peu de bonheur. Il donne du courrier. |
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LE PÈRE. C’est tante Rosette qui a perdu sa chatte grisette ? LA MÈRE. Non c’est l’oncle Albert qui est devenu proxénète. |
LE PÈRE. Encore une carte d’Antioche ! LA MÈRE. Mais que fait Roméouche ? S’il est encore avec la sainte-nitouche… |
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LE PÈRE. Mais que fait Henriette ! Si elle traîne avec cette mauviette ! |
Sonnerie. Les mères vont ouvrir. Apparaissent, chacun du côté de sa famille, Roméouche et Henriette. Roméouche style blouson noir sympathique, Henriette petite bourgeoise de bonne famille. |
ROMÉOUCHE. Saluche ! LA MÈRE. Approche Roméouche. LE PÈRE. Alors, on découche ? LA MÈRE. Quand ton père te parle, enlève ta capuche. LE PÈRE Tu veux un revers de paluche ? |
Scène de reproches identique, mais muette. |
LA MÈRE. Où étais-tuche ? LE PÈRE. Alors Roméouche ! ROMÉOUCHE. Pouche ! ROMÉOUCHE (d’un seul trait jusqu’à “escarmouche”). Je-reviens-tard-de-l’atelier-parce-que-sur-la-route-avec-ma-moto-j’ai-eu-une-petite-escarmouche ; voilà c’est touche ! LE PÈRE. Une escarmouche ! |
LA MÈRE. Alors Henriette !?
HENRIETTE. Alors j’ai raccompagné la sœur de Lucette, la cadette qui joue des castagnettes, mais si, un peu suffragette, avec des bouclettes et une casquette ! Le style midinette snobinette ! |
ROMÉOUCHE. Mais une escarmouche dans un virage louche, une supergalipette sur ma motocyclette pour éviter une estafette… Regard lourd de reproche du père et de la mère, Roméouche s’aperçoit qu’il s’est trahi, il baisse les yeux. |
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HENRIETTE. Mais si, la nénette avec sa grande bouche et qui louche… Les parents ont un regard lourd de reproche, ils viennent de comprendre. |
Le père s’approche de Roméouche et lui donne un coup dans le ventre. |
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Le père s’approche d’Henriette et la gifle. |
ROMÉOUCHE. Ouch ! LE PÈRE. Avec cette petite cruche ! ROMÉOUCHE. Oui je l’aime. |
HENRIETTE. Ette ! LE PÈRE. Avec ce pique-assiette ! HENRIETTE. Oui je l’aime, |
ENSEMBLE. Et nous avons déjà un gage de notre amour. Entre un enfant |
LE PÈRE ET LA MÈRE. Oh ! |
LE PÈRE ET LA MÈRE. Oh ! HENRIETTE. Elle s’appelle Mouchette ! LA MÈRE. Tu te souviens elle était grassouillette… |
CHŒUR DES MUSICIENS. Ils s’aiment, ils sont jeunes, ils s’aiment, ils sont jeunes, ils s’aiment, ils sont jeeeeuuunes et ils s’aaaiiiiimmm-mmeeeeennnnnntttttt ! Pendant que les musiciens ont chanté, on a dressé une table de mariage, chaque famille d’un côté, au bout Roméouche et Henriette, entre eux, leur fille Mouchette. Sonnerie. LE FACTEUR (entre sans qu’on lui ouvre). Ni aspirateur, ni prestidigitateur, je suis le facteur qui vous apporte un peu de bonheur. |
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LE PÈRE (l’invitant à s’asseoir). Prenez une assiette. |
LE FACTEUR. À la bonne heure, je suis bon viveur. Il s’assoit. |
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LA MÈRE (passant les plats). Rillettes ?Andouillette ? Ciboulette ? |
LE FACTEUR. Hum ce chou-fleur, quelle saveur ! MOUCHETTE (rageant). Je voudrais une fourche… |
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La famille de Bergerette se lève, indignée. |
MOUCHETTE. …ette |
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LA FAMILLE DE BERGERETTE. Ah ! |
LE PÈRE. À propos où étais-tu partie, hier soir, Minouche ? LA MÈRE. Faire quelques courches. |
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LE FACTEUR (se léchant les babines). Hum ce chou-fleur, quelle saveur… |
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LE PÈRE. Hier. Hier matin où étais-tu Babette ? LA MÈRE. Des emplettes aux Galeries Lafayette. Henriette la fillette, passe-moi la ciboulette avec du beurre… c’est meilleur Le mari renverse à moitié le verre qu’il tient à la main. |
LA MÈRE. On mange, on mange mais j’ai des aigreurs du côté du cœur Le mari s’étouffe à moitié avec sa bouchée. |
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Musique suspens. Les deux femmes deviennent écarlates, les deux maris regardent le facteur qui, gêné, enlève sa serviette, se lève en souriant et dit en sortant… LE FACTEUR. Bon… bon je change de nom, je prends l’avion pour le Gabon où je planterai de l’estragon et du rhododendron en rond… Noir. |